OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Et si Albrecht Dürer avait eu un Tumblr ? http://owni.fr/2012/08/08/et-si-albrecht-durer-avait-eu-un-tumblr/ http://owni.fr/2012/08/08/et-si-albrecht-durer-avait-eu-un-tumblr/#comments Wed, 08 Aug 2012 14:10:25 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=117728 Imaginons un instant que le peintre et graveur Albrecht Dürer soit soudainement transporté depuis la Renaissance jusqu’à notre époque et que pour diffuser ses œuvres, il décide d’ouvrir un profil sur la plateforme de microbbloging Tumblr
L’hypothèse peut paraître un brin saugrenue, mais une telle manipulation de l’espace-temps constituerait une expérience fascinante. Car Dürer fut l’un des artistes les plus copiés en son temps et il était particulièrement susceptible vis-à-vis des reproductions de ses créations réalisées sans autorisation, notamment ses gravures.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


En témoigne par exemple ce texte inséré en 1511 à la fin d’un recueil de gravures consacrées à la Vie de la Vierge, destiné à avertir les éventuels contrefacteurs que l’artiste bénéficiait d’un privilège accordé par l’Empereur Maximilien :

Malheur à toi, voleur du travail et du talent d’autrui. Garde-toi de poser ta main téméraire sur cette œuvre. Ne sais-tu pas ce que le très glorieux Empereur Romain Maximilien nous a accordé ? – que personne ne soit autorisé à imprimer à nouveau ces images à partir de faux bois, ni à les vendre sur tout le territoire de l’Empire. Et si tu fais cela, par dépit ou par convoitise, sache que non seulement tes biens seraient confisqués, mais tu te mettrais également toi-même en grand danger.

Avouez que c’est légèrement plus intimidant que notre “Copyright : tous droits réservés”… Le parallèle avec le copyright est cependant justifié, car ce privilège d’imprimerie constituait – mutadis mutandis – dans l’Europe des 15e et 16e siècles l’ancêtre de notre droit d’auteur, permettant de bénéficier d’une exclusivité de reproduction, garantie par le Prince, sur un territoire donné.
Imaginons donc que Dürer voyage jusqu’à l’âge numérique et commence à poster ses fabuleuses gravures sur Tumblr. Il verrait sans doute celles-ci se propager comme une traînée de poudre sur ce média social, qui est spécialement profilé pour permettre la reprise en un clic d’images et d’autres contenus trouvés sur la Toile. Il encourage également ses utilisateurs à re-publier des billets postés par d’autres membres de la plateforme (action désignée par le terme reblogging).

Cliquer ici pour voir la vidéo.


C’est tellement vrai que la plupart d’entre eux ne postent jamais de contenus originaux, mais se contentent de rediffuser ceux qu’ils voient passer, en lien avec un de leurs centres d’intérêt donné, accompagnés ou non de commentaires. Ces “collections” sur Tumblr forment des visual bookmarks, qui préfiguraient les pratiques de curation de contenus et ce qui a explosé aujourd’hui avec un site comme Pinterest, dédié entièrement à la reprise d’images.

Le Chevalier, la Mort et le Diable : une des célèbres gravures de Dürer, postée sur Tumblr et re-bloguée par de nombreux utilisateurs.

Gageons qu’Albrecht Dürer n’aurait sans doute que fort peu apprécié de voir ses œuvres ainsi passées à la moulinette numérique des médias sociaux. À la Renaissance, alors que les techniques de gravures et d’imprimerie commençaient à permettre la reproduction en nombre des œuvres d’art, Dürer a été à l’origine d’un des premiers procès intenté par un artiste contre un contrefacteur. Giorgio Vasari raconte en effet dans un de ses ouvrages que l’artiste allemand s’était déplacé jusqu’à Venise pour se plaindre auprès des autorités qu’un graveur nommé Marcantonio Raimondi avait reproduit et vendu une de ses séries de gravures sur bois, en allant jusqu’à contrefaire le fameux monogramme par lequel il signait toutes ses œuvres.

Monograms of Albrecht Dürer. Domaine public. Source : Wikimedia Commons.

Vasari rapporte qu’un jugement fut rendu à propos de cette affaire, qui est particulièrement intéressant (bien que sa réalité historique soit sujette à caution). Cette décision garde en effet une actualité surprenante, car Raimondi et les autres graveurs de l’époque sont comparables aux Tumblr et Pinterest d’aujourd’hui. Eux aussi doivent faire face à des producteurs de contenus mécontents, qui les accusent de violer leurs droits et de profiter indûment de leurs créations originales. Pinterest a ainsi subi au début de l’année une vague de protestations virulentes, émanant notamment de photographes, et Tumblr se débat de son côté avec une plainte pour violation du droit d’auteur émise par le magazine érotique Perfect 10, qui lui réclame 5 millions de dollars.
Les équilibres trouvés à la Renaissance pour réguler le flot de reproductions induit par l’imprimerie peuvent-ils nous aider à trouver des solutions pour assurer le respect de l’œuvre d’art à l’heure de son appropriabilité numérique ?
Vous allez voir que tous les artistes de la Renaissance n’étaient pas aussi rigides que Dürer vis-à-vis des copieurs et on peut parier qu’un Raphaël, par exemple, aurait été bien plus à même de tirer parti d’un outil comme Tumblr que l’irascible Albrecht !

Tu ne copieras point (le monogramme)

D’après Wikipédia, le graveur italien Marcantonio Raimondi est “connu pour être la première personne à reproduire exclusivement les gravures d’autres artistes au lieu de créer ses propres œuvres”. Lorsque les gravures de Dürer arrivèrent à Florence, Raimondi réalisa une série de reproductions sur cuivre d’une Passion, sur lesquelles il laissa le monogramme AD de l’artiste et qu’il vendit en les faisant passer pour des originaux (voir ci-dessous).

Une des gravures sur bois de Dürer, plagiée par Raimondi. Notez au sol le cartouche avec le monogramme AD.

La plainte de Dürer fut donc portée devant les tribunaux de Venise, mais l’artiste n’obtint pas entièrement satisfaction. En effet, Raimondi ne se vit pas interdire la reproduction et la vente des oeuvres de Dürer, mais seulement d’ajouter le nom ou le monogramme de ce dernier pour faire passer son travail pour celui de l’artiste original. Cette solution peut paraître surprenante, mais elle est cohérente avec le système des privilèges d’imprimerie qui prévalait alors. Dürer disposait d’une exclusivité reconnue sur les terres d’Empire, mais il ne pouvait la faire valoir devant les tribunaux vénitiens. Pour autant, ceux-ci lui reconnurent une forme de droit à la paternité sur ses œuvres, qui peut être considérée comme l’embryon du droit moral que nous connaissons aujourd’hui et qui atteste du lien entre la personnalité de l’auteur et son œuvre.
Pour un personnage comme Dürer, qui cherchait à faire reconnaître son statut d’artiste, cette décision comportait des éléments intéressants. Mais il n’est pas certain que d’un point de vue pratique, elle ait correspondu à ses attentes. Car si Raimondi ne pouvait plus se livrer à de la contrefaçon proprement dite, il pouvait continuer à reproduire ses gravures, sans que le nom ou le monogramme de Dürer n’apparaissent sur les reproductions.
C’est d’ailleurs ce que fit Raimondi par la suite, mais sans pour autant signer de son propre nom les œuvres copiées d’après Dürer. Sur la gravure ci-dessous, réalisée d’après un original de Dürer, l’italien signe avec un cartouche vide que l’on voit aux pieds de la figure du Christ.

Jésus face à Hérode. Marcantonio Raimondi d'après Dürer. Domaine public.

Il est assez amusant d’ailleurs que Raimondi le “faussaire”, qui s’était fait la spécialité de copier les œuvres des autres plutôt que de réaliser des créations originales, ait ainsi adopté, par la force des choses, un cadre vide comme marque de fabrique…
Mais dans le contexte de la Renaissance, le fait que Dürer ait choisi d’apposer son monogramme sur ses œuvres constituait un geste important, car il s’agissait pour lui de faire reconnaître son statut d’artiste. Ces deux lettres “AD” sont considérées aujourd’hui comme l’une des premières signatures de l’Histoire de l’art :

Le monogramme développé dans les années 1490 constitue l’une des premières protections par le droit d’auteur dans l’histoire des médias et la première signature d’artiste utilisée systématiquement. À partir de 1497, Dürer signa chacune de ses gravures et de ses peintures avec les lettres “AD” et son monogramme devint célèbre dans toute l’Europe.

Mais encore proche des marques de fabrique employés par les artisans, ce signe remplissait aussi des fonctions utilitaires, comparables à nos logos, comme le rappelle cette notice du British Museum :

Le célèbre monogramme aux lettres AD entrecroisées par lequel il signait ces œuvres peut être considéré comme l’équivalent d’un logo aujourd’hui. Un tel dispositif n’était pas nécessaire au Moyen Age, quand les œuvres d’art restaient par définition des objets uniques. Mais, avec la production d’images en série, sans protection découlant du droit d’auteur, il jouait le rôle d’un signe permettant l’attribution, d’une garantie d’authenticité et d’une marque instantanément identifiable. [...] au début du 16esiècle, Dürer s’est rendu à la fois célèbre et riche en saturant ainsi le marché européen avec ses gravures sur bois.

Le jugement rendu par le tribunal vénitien n’était donc qu’une demi-victoire pour Dürer, qui était également un véritable capitaine d’entreprise, avec des intérêts financiers à protéger. Pourtant d’autres artistes de la Renaissance adoptèrent une attitude plus conciliante vis-à-vis de la copie, qui servit aussi leurs intérêts, tout en accordant une reconnaissance aux graveurs.

Raimondi, Raphaël et l’association de marques

Lorsque Raimondi s’installa à Rome, il recommença à copier les œuvres de peintres célèbres. Raphaël remarqua particulièrement son talent de copiste, après qu’il eut exécuté des gravures à partir d’une de ses créations, Lucrèce se donnant la mort.

Lucrèce se donnant la mort. Marc-Antoine Raimondi, d'après Raphaël. Domaine public. Source : Gallica/BnF

Plutôt que de le traîner devant les tribunaux, Raphaël décida de s’associer avec Raimondi et d’en faire en quelque sorte son graveur officiel. Ce type de partenariat était mutuellement profitable aux deux parties, le graveur bénéficiant de la renommée du peintre et le peintre pouvait toucher une clientèle beaucoup plus large par la diffusion des gravures. Les deux comparses ouvrirent un atelier de gravure à Rome, qui devint florissant et se transforma même une école de gravure, avec à sa tête Raimondi.
Ce qui est intéressant dans la relation entre Raphaël et Raimondi, c’est que les deux artistes mirent au point une manière d’associer leurs marques sur les gravures résultant de leurs collaborations, pour attribuer correctement les apports de chacun.
Pour cette gravure, Le Jugement de Pâris, Raphaël a conçu le modèle et l’a donné à réaliser à Raimondi d’après un de ses dessins.

Le jugement de Pâris. Marc-Antoine Raimondi, d'après Raphaël. Domaine public. Source : Gallica/BnF

Or au bas de l’image, un peu cachée dans l’herbe, on trouve cette inscription : “RAPH-URBI INVEN MAF”.

Ces mots signifient “Raphaël d’Urbino l’a inventé (conçu) et Marc-Antoine l’a fait” (MAF pour Marcantonio fecit, en latin).
Ce Jugement de Pâris occupe une place importante, car certains le considèrent comme la première gravure produite et reproduite spécialement pour être diffusée. Pierre Delayin fait cette analyse intéressante de l’association des marques des deux artistes, en faisant un parallèle avec l’affaire Dürer :

[...] cette gravure occupe une place toute particulière : une copie faite pour être copiée, bien avant la reproduction technique dont parle Walter Benjamin.
Marcantoni avait un talent particulier pour la copie. Vasari raconte qu’il avait si bien contrefait des gravures de Dürer (y compris en recopiant la sigle AD, signature du maître), que les amateurs s’y trompaient et achetaient les gravures en les croyant de la main de Dürer. Celui-ci serait venu protester à Venise devant la Signoria, mais n’aurait obtenu que l’interdiction d’introduire le nom ou le sigle de Dürer dans ses copies.

D’ailleurs le même problème de droit d’auteur ou de copyright se posait pour Raphaël lui-même, de sorte qu’à partir de 1515, les planches de Marc-Antoine portaient la mention : Raphael invenit MAF, ce qui signifie : Raphaël en est l’inventeur, mais c’est Marcantoni qui l’a fait (Marcantonio fecit). Qui donc était le véritable auteur? Dans l’atelier de Raphaël, entre les fonctions de conception et d’exécution, la distinction n’était pas si claire.

On retrouve cette signature particulière sur d’autres gravures résultant de la collaboration de Raphaël et de Raimondi, sous des formes légèrement différentes, comme sur ce Martyre de Sainte Cécile :

Avec un tel dispositif d’attribution, les deux artistes trouvent leur compte : le copieur n’est pas obligé de se dissimuler, comme Raimondi était forcé de le faire lorsqu’il signait avec un cartouche vide les œuvres de Dürer qu’il reproduisait, et l’artiste original peut également laisser sa marque sur la reproduction sans que celle-ci ne passe comme une contrefaçon.
Faisons à présent un bond de quelques siècles et retournons à nos médias sociaux.

L’attribution, une issue juridique pour les dispositifs de curation ?

Il est intéressant de voir que les débats juridiques tournant autour des sites de curation de contenus, comme Tumblr ou Pinterest, finissent par remettre en avant la question de l’attribution, dans des termes assez proches de ceux de l’époque de la Renaissance.
Beaucoup d’analyses soulignent le fait que les utilisateurs des sites de curation créditent mal les producteurs de contenus originaux qu’ils reprennent. D’autres, comme Chris Crum, estiment que cette question de l’attribution est cruciale pour respecter les conditions du fair use (usage équitable) :

Une attribution correcte au créateur du contenu original est très importante. Il y a différentes façons de le faire selon les plateformes et chaque communauté reconnaît des “bonnes pratiques” en la matière que les utilisateurs doivent suivre. Si vous négligez l’aspect attribution dans l’équation, cela peut vous mettre dans des situations compliquées. Par exemple, quand Posterous a commencé à percer, beaucoup de créateurs de contenus étaient excédés par le peu d’importance que les utilisateurs de Posterous accordaient aux crédits des contenus réutilisés. Dans certains cas, cela a pu amener les “créateurs” à considérer que les “curateurs” avaient littéralement plagié leurs œuvres. Depuis, la communauté des utilisateurs a mis en place un ensemble de règles pour aider chacune des parties.

La bonne et la mauvaise curation. Par Beth Kanter, d'après Ross Hudgens. CC-BY.

Pinterest, après avoir traversé un épisode difficile où la légalité de la plateforme au regard des règles du droit d’auteur a été sérieusement remise en cause, semble avoir réussi à apaiser la situation en mettant en place des solutions automatiques facilitant l’attribution des contenus à partir de certains sites (Etsy, Kickstarter, SoundCloud, Flickr, YouTube). Ces améliorations passent par des modifications apportées au bouton de partage de Pinterest, qui embarque automatiquement avec les images un “Attribution Statement” inaltérable, indiquant clairement la source du contenu, avec le nom de l’auteur et un lien en retour.
Tumblr, lui aussi dans la tourmente judiciaire suite aux accusations portées par le magazine érotique Perfect 10, semble également mettre en avant les fonctionnalités d’attribution pour essayer de trouver un terrain d’entente avec les fournisseurs de contenus. Dans cette interview donnée au magazine Slate, le PDG de Tumblr Andrew Mc Laughlin insiste sur le fait que la plateforme travaille à améliorer l’attribution et les liens en retour vers les sites sources, afin de leur garantir une redirection du trafic.
Le “curateur” a besoin non seulement de faire un lien vers le contenu qu’il a choisi, mais aussi de l’intégrer sur son site, pour pouvoir ainsi l’associer à sa propre marque. De son côté, le créateur du contenu original ne veut surtout pas que sa marque soit retirée d’un contenu lors de sa dissémination, afin que les internautes puissent être redirigés in fine vers son propre site.
Cette importance de la marque et de l’association des marques au fil de la dissémination des contenus nous ramène finalement aux problématiques de la Renaissance et à la manière dont plusieurs agents de la création (le peintre, le graveur) associaient leurs symboles pour entrer en symbiose plutôt que de se combattre.

Les filigranes et les watermarks constituent sans doute les successeurs des monogrammes d’antan, des moyens d’associer un nom à une œuvre, sans garantir toutefois qu’un Raimondi numérique ne sera pas capable de la reproduire en effaçant cette marque d’attribution. L’embed (lecture exportable) semble avoir surmonté la difficulté pour les vidéos, en assurant la dissémination tout en garantissant automatiquement à la fois l’attribution et le lien en retour. Mais ce procédé technique est difficilement transposable aux images fixes, pour lesquelles la reprise s’effectue en un clic.

En attendant la Renaissance du droit des images…

Les œuvres de Dürer et de Raphaël sont aujourd’hui dans le domaine public et elles peuvent sans entrave faire les délices des amateurs sur Pinterest ou Tumblr (on peut d’ailleurs se réjouir qu’ils participent ainsi à la Renaissance technologique que nous vivons !).

Mais si Dürer existait aujourd’hui, sans doute serait-il parmi les rangs des producteurs de contenus qui attaquent les sites comme Tumblr et Pinterest, en clamant qu’ils “volent” indûment le fruit de leur travail. A l’inverse, Raphaël ressemblerait peut-être davantage à ces producteurs d’images, qui savent jouer de la dissémination sur les médias sociaux pour construire leur notoriété et valoriser leurs créations, notamment en les plaçant sous licence Creative Commons. Un photographe professionnel comme Tray Ratcliffe, qui tient le blog Stuck In Customs, explique ne pas craindre que l’on “vole” ses contenus et encourage même les internautes à le faire. Il diffuse par ailleurs volontairement ses photographies sur Pinterest, en s’en servant comme un espace d’exposition, et il organise leur dissémination en utilisant les licences Creative Commons (une manière alternative de concevoir le marquage, si l’on y réfléchit bien).
Si l’amélioration des conditions d’attribution peut constituer une solution, juridiquement, elle ne suffit pas à régulariser la reprise d’un contenu sans autorisation préalable : c’est certain en France, où le droit à la citation graphique n’existe pas et même dans le contexte plus souple du fair use américain, des usages tels que ceux que permettent des sites comme Tumblr ou Pinterest demeurent problématiques, y compris en créditant correctement la source et avec un lien en retour.
Le droit des images attend encore sa renaissance à l’ère du numérique…

Image CC Flickr by woodleywonderworks

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Un ex-directeur de BNP balance http://owni.fr/2011/11/25/directeur-bnp-paribas-balance-tumblr/ http://owni.fr/2011/11/25/directeur-bnp-paribas-balance-tumblr/#comments Fri, 25 Nov 2011 08:23:01 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=87979

Lundi 14 novembre au matin, les employés de BNP Paribas Securities Services (BP2S), l’activité de titres de BNP Paribas, ont reçu un étonnant mail de leur ancien directeur, Jacques-Philippe Marson :

Chères amies, Cher amis, Dear Friends,

Le 9 novembre dernier marquait l’anniversaire de deux années passées après le premier jour d’une inspection générale “spéciale” qui a conduit scandaleusement à mon licenciement.  J’ai décidé de rompre le silence que je m’étais imposé et de m’exprimer publiquement par le biais d’un blog.
Je publierai au fil des jours et semaines qui viennent les événements tels que je les ai vécus.  Je vous livrerai analyse et reflexion à ce dossier qui s’avèrera accablant pour ceux qui l’ont intitié et pour ceux qui l’ont soutenu.

Intitulé “Histoire d’un licenciement abusif”, son site sur Tumblr (une plate-forme de microblogging) met sur la place publique les affaires internes qui ont abouti à sa mise à pied fin 2009, suivi de son licenciement pour faute grave. L’affaire avait été médiatisée à l’époque, dans une séquence peu glorieuse pour la finance, entre le krach de 2008 et les affaires Kerviel et Madoff.

En première lecture, l’affaire à l’origine de son éviction apparaît tortueuse. L’ex-dirigeant a été accusé d’avoir profité de sa position pour obtenir des commissions occultes de la part d’un homme d’affaire malien, Aliou Boubacar Diallo dans le cadre d’un projet minier au Mali. Trois plaintes croisées ont été déposées, la BNP contre Jacques-Philippe Marson, Aliou Boubacar Diallo contre Jacques-Philippe Marson et Jacques-Philippe Marson contre Alliou Diallo.

Suite à ces plaintes, le parquet de Paris a décidé de l’ouverture d’une enquête préliminaire confiée aux experts de la Brigade financière, en janvier 2010. Lesquels, depuis, n’ont rien trouvé. Jacques-Philippe Marson justifie de sortir seulement maintenant du silence :

J’ai attendu que les plaintes soient traitées ou classées pour agir. Toutes les plaintes ont été classées. Je consacrerai un chapitre détaillé sur les trois plaintes.

Violence des échanges en milieu tempéré

Les quelques billets qu’il a déjà mis en ligne annonce la couleur, plutôt rouge colère que vert BNP. Promettant d’”appuy[er] par des preuves écrites et par des témoignages” ses accusations, il tape dur, d’emblée :

À ce jour le groupe n’apporte aucune preuve. Il se base uniquement sur le rapport “à charge” de l’inspection générale dont les conclusions sont absolument fausses et totalement mensongères. Une analyse détaillée en sera faite dans les chapitres à venir.

Selon lui, il y a à l’origine de la procédure, “une lettre de dénonciation”, le 30 septembre que “B. Prot, Directeur Général du Groupe BNP Paribas reçoit en mains propres de son frère”, Guillaume Prot alors directeur général du groupe Moniteur. L’avocate de l’homme d’affaire malien, Julia Boutonnet, décrit quant à elle Jacques-Philippe Marson comme un affabulateur. Quant au classement des plaintes, il est logique pour elle :

Le cas de M. Marson relevait plus du civil que du pénal, ce qu’on reprochait à mon client ne tenait pas la route et la BNP ne voulait pas faire de publicité.

Pour le manque de publicité, c’est loupé. L’état-major est aussi passé au couteau :

A ce jour, aucun membre de la direction générale du groupe, aucun membre des cadres dirigeants du groupe, aucun des cadres de mon équipe dirigeante n’ont jugé utile de m’accorder une seconde d’écoute.  Aucune des ces éminentes personnes n’a jugé utile de me soutenir dans cette double et terrible épreuve : professionnelle et personnelle.

Dans un billet publié ce jeudi, Jacques-Philippe Marson accuse implicitement Jacques d’Estais, qui lui a succédé, de diffamation :

Le lendemain, 24 novembre, mon responsable hiérarchique a réuni 350 cadres de BP2S pour les informer de ce qui se passait. Vous trouverez ci-après la version intégrale des propos tenus par Jacques d’Estais. Je vous laisse juge du caractère diffamatoire ou non de son discours.

Choc des cultures

Au final, choc des cultures garanti entre le milieu feutré de la banque, adepte de la logique verticale (“top-down”) et la plate-forme Tumblr, la plus populaire, le seuil d’accès le plus bas au blogging, plus connu pour ses gifs animés que pour servir de porte-voix aux victimes d’injustice.

Jacques-Philippe Marson a bien contacté des journalistes pour tenter d’attirer leur attention sur son histoire mais las : selon ses dires, son histoire n’est pas assez sexy à leurs yeux. Crucifier un ponte de la banque, c’est intéressant (lorsque son affaire a éclaté), le blanchir, nettement moins, a fortiori s’il n’a pas de révélations fracassantes à faire sur la BNP :

BNP est une organisation qu’en tant qu’organisation je respecte, ce sont des personnes qui sont responsables de mon licenciement. Et je ne suis pas un mouchard.

Il n’a pas non plus confiance en la justice, qui l’a débouté aux prud’hommes en un quart d’heure, comme un vulgaire justiciable de base :

D’habitude, ces affaires ne se règlent pas aux prud’hommes.

Selon lui, son drame se heurte au corporatisme des salariés, qui auraient modestement relayé ses demandes. Jacques-Philippe Marson parle carrément d’omerta. L’un de ses anciens collègues a ainsi refusé de faire suivre le mail de JP Marson :

je n’ai pas trop envie d’aller à la pêche au mail dans ce cas précis. Ce qui se passe à Pantin reste à Pantin!

L’ex-dirigeant assure que son blog a fait son petit effet. Un salarié nous a raconté que la méthode avait surtout surpris :

Ça a fait parler en interne, enfin surtout vu la méthode utilisée (un mail envoyé sur les mails pro lundi pendant la nuit).

La BNP semble avoir opté pour une défense basique. La plate-forme avait été débloquée voilà quelques temps. Curieusement, peu de temps après l’envoi du mail, l’accès était de nouveau bloqué pour le personnel connecté en interne. Contacté, le service de presse a eu cette réaction :

Il a un blog ? Vous m’apprenez quelque chose. Je ne m’occupe pas de la partie BP2S. [je lui dicte le nom du Tumblr] Tumblr est bloqué chez nous. Bon, il n’est pas content, ça fait du bien de se déverser.

Dans cette ténébreuse affaire, les détails manquent sur les raisons pour lesquelles la BNP aurait décapité l’ancien directeur. Pour l’heure, l’ex-dirigeant n’a que des hypothèses, qu’il refuse que nous rendions publiques. La suite au prochain post. Dans le cadre de cet article, nous avons tenté de recueillir des commentaires de la part de la direction de BP2S. En vain.

Images CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Cade Buchanan et PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification M Domondon

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http://owni.fr/2011/11/25/directeur-bnp-paribas-balance-tumblr/feed/ 33
“Doctissimo m’a tuer” ou l’art de se moquer d’autrui http://owni.fr/2011/07/19/doctissimo-ma-tuer-ou-lart-de-se-moquer-dautrui/ http://owni.fr/2011/07/19/doctissimo-ma-tuer-ou-lart-de-se-moquer-dautrui/#comments Tue, 19 Jul 2011 09:57:30 +0000 Boumbox http://owni.fr/?p=74070 Si vous avez gardé les yeux ouverts cette semaine, vous avez dû voir passer ce blog : Doctissimo m’a tuer, un Tumblr qui se présente comme une collection de messages trouvés sur les forums de Doctissimo. Des posts pleins de fantaisie sexuelle, de fantasmes étranges et d’expériences corporelles. Des posts simples aussi, des questions qui font marrer les visiteurs…


Ce petit Tumblr a connu un succès express : parce qu’on aime lire ces messages bizarres, se dire « Quoi ?! Mais comment il a pu ?… » et se faire peur avec les petites perversions des autres. Rien d’anormal là-dedans, c’est comme ça que marchent tous les processus fantasmatiques, du film d’horreur au film porno.

“On parle de ta mère, de tes cousins”

Sauf que… les créateurs de « Doctissimo m’a tuer » sont de vils hypocrites. Bah oui. Et ça rend les lecteurs complices de cette hypocrisie. En collant le lien sur son FB, chacun y va de son petit commentaire mesquin, sans même essayer de percevoir la grande image derrière ces posts isolés et sans contexte. Les petites blagues de l’incompréhension quotidienne : « c’est des gros malades« , « un blog qui réhabilite l’euthanasie« , « les pires pervers du web français« , « putain faut les tuer« … un petit tour sur Open Book montrera à quel point « Doctissimo m’a tuer » rassemble le bon peuple dans le lynchage de ces gens qui sortent de la norme… Ouais. Je vais me faire le chevalier blanc des mecs qui fantasment sur leur tante, des frères qui se tripotent ou des gars qui s’échangent des photos de leurs meufs en imper’.

Parlons de vérité. Pas de celle qu’on raconte en soirée et qui sent bon sous les bras. Nan, là je parle de la vie, la vraie. Les vrais trucs du fond de nos petits coeurs, ceux qu’on ne raconte pas à nos collègues, pas à nos amis, pas à notre famille. Ceux aussi qu’ils ne nous racontent pas.

Doctissimo est la première communauté française : 100.000 messages par jour y sont postés.  J’ai entendu moult fois des blogueurs se marrer en entendant parler de community management : « Ah ouais, t’es modérateur quoi, sauf que t’as pas besoin d’écrire« . 100 000 messages par jour, mec. C’est loin d’être un mensonge communautaire ou une bande bidon levée à coup de campagnes Facebook. On parle de dizaines de milliers de gens qui, chaque jour, se connectent pour poser des questions, donner des réponses et se réunir avec leurs amis du Web.

On parle d’une immense communauté, aux intérêts divers. On parle de ta mère, de tes cousins, on parle de tous ces gens que tu côtoies et de leur liberté d’expression. On parle de ces milliers de niches créées sur une terra incognita sans limites : les forums de Doctissimo. Des vrais gens, avec des vraies envies, des vrais problèmes, des vrais besoins…

Fake or not ?

Venons-en aux problèmes de ce Tumblr sans classe :
« Doctissimo m’a tuer », c’est deux / trois messages par jour, cités hors contexte, tirés de l’immense base de données des forums Doctissimo.
« Doctissimo m’a tuer », c’est de gros trolls bien vilains (de faux messages postés par de faux membres) racontant des histoires de saucisses ou de chewing gum, publiés comme si c’était le quotidien de tout un chacun sur Doctissimo. Évidemment, comme il s’agit de gros fakes inventés par des membres, c’est toujours des histoires improbables et débiles : le caviar de « Doctissimo m’a tuer ». Bien sûr, on retrouve des trolls par douzaines sur le blog… Flagrant délit de mauvaise foi. Exemple, l’ami « Tooth » : un spécimen parfait.

Dernier problème, et de taille… Les forums de Doctissimo ont des disclaimers. Ces bannières avertissant que le contenu qui va suivre est sensible et réservé aux plus de 18 ans. Un blog tel que « Doctissimo m’a tuer », qui s’est fait mission de montrer le « pire » de Doctissimo, va piocher la majorité de ses posts sur de telles boards interdites aux âmes sensibles… Des boards clairement identifiées comme borderline, réservées à des gens qui savent à peu près où ils mettent les pieds. Des protections pour le quidam. Et sur le Tumblr qui nous intéresse ? Que dalle. Tout au plus, une tag-line pourrie, tendance ironique, censée nous faire comprendre qu’on est ici pour de rire : « ON ADORE LES INTERNETS, DANS TRENTE ANS Y’EN AURA PLUS« …

Qu’est-ce que ça veut dire ? Nan sérieux… Qu’est ce ça signifie ? Qu’est ce qu’ils racontent ? Qu’est ce que je dois comprendre quand je lis ça ? Qu’on est tellement au dix-huitième degré de l’humour ultime qu’on a même plus besoin de réfléchir ? Que c’est pas la peine de critiquer ? C’est ça que me disent les cinq fourbes qui gèrent ce blog ? Désolé d’insister, hein… J’aimerai comprendre.

Et c’est pas le fil Twitter qui va nous apporter plus d’infos :   »Fake Or Fail? Le meilleur de doctissimo, ou presque… » Euh, quoi ? C’est possible de prendre encore plus de pincettes ? Je vous le traduis : « On sait pas si c’est vrai, mais voici les pires tarés du web« . Et les gars y vont avec classe, je vous laisserai apprécier le petit commentaire du post suivant :

« Un petit coup de main ? » : voilà comment le mec est catalogué sur « Doctissimo m’a tuer ». Alors, bon, moi je veux accepter les blagues et faire le malin, mais si la blague c’est d’humilier les handicapés en détresse, je sais pas pour vous, perso ça me fait pas rouler de rire. Remarquez bien que c’est pas par moralité, mais là, prendre le témoignage très concret d’un mec en bad pour me foutre de sa gueule… Carton rouge, quoi.

Rendez-vous manqué avec l’orthographe mais…

Et c’est ça qui me fait chier avec ce putain de blog. C’est de le voir être partagé dans tous les sens alors que ce truc est une arnaque : un gros pipeau sale pour voyeuristes qui ont envie de s’offusquer à la va-vite. Genre débranche ton cerveau, parcours un peu le site, fais semblant que tu connais tout de la vie et offense toi des ces minables. Oublie que c’est peut-être tes amis, tes voisins, tes potes ou ta meuf, qui expriment enfin ce qu’ils veulent sous le couvert de l’anonymat. Oublie que c’est l’un des premiers lieux d’échange en France, oublie le fait qu’on fasse ça salement, oublie qu’il s’agit de vraies personnes, réduis-les à une liste de posts sans sens ni contexte, oublie tout ça… et moque-les. Sois un bully. Sois un con. Partage autour de toi.

« Doctissimo m’a tuer » ou l’histoire d’un faux procès. Je me permettrai donc ce petit plaidoyer de fin : oui ces gens peuvent paraître fou, oui leur maîtrise de l’orthographe laisse à désirer,  oui ça peut être difficile de les comprendre, ou de les accepter, mais ami lecteur, n’as tu pas la brûlante impression que ce serait vachement plus intéressant que de se simplement se foutre de leur gueule ? Notre copine Maïa fait des pieds et des mains chaque jour sur Sexactu pour faire avancer la compréhension globale du monde coincé envers les gens plus open de leur corps. Et merde, globalement, c’est pas ça le putain de sens de la vie ? Essayer de mieux se comprendre les uns les autres. Ne pas se pointer du doigt en rigolant comme des ânes.

« Doctissimo m’a tuer » est une grosse arnaque. Et aussi une sorte de virus psychique qui fait régresser l’humanité. Comme disait tonton : « Je suis sûr qu’on nous prend pour des cons« … et plus je relis cette tag-line pourrie « ON ADORE LES INTERNETS, DANS TRENTE ANS Y’EN AURA PLUS »… plus j’en suis certain. Warning : ces gens sont des voleurs d’attention !

Initialement publié sur Boumbox sous le titre “Doctissimo m’a tuer”, cette arnaque voyeuriste

Illustrations Flickr PaternitéPas d'utilisation commerciale asvensson

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http://owni.fr/2011/07/19/doctissimo-ma-tuer-ou-lart-de-se-moquer-dautrui/feed/ 113
Pop, sexe, teen-stars : cocktail gagnant http://owni.fr/2011/03/25/pop-sexe-teen-stars-cocktail-gagnant/ http://owni.fr/2011/03/25/pop-sexe-teen-stars-cocktail-gagnant/#comments Fri, 25 Mar 2011 12:05:01 +0000 Loïc Dumoulin-Richet http://owni.fr/?p=31344

Yesterday was Thursday, today is Friday, tomorrow is Saturday and afterwards comes Sunday

Hier nous étions jeudi, aujourd’hui nous sommes vendredi, demain nous serons samedi et après ça ce sera dimanche. Avouez que la pop est parfois pratique pour se rappeler les bassesses du quotidien. Cette trouvaille littéraire nous vient de la très jeune Rebecca Black, adolescente californienne de 13 ans comme il en existe tant, une jeune fille pas vraiment vilaine mais pas tellement jolie non plus. Sauf que celle qui aurait dû demeurer très loin dans l’ombre des Miley Cyrus, Selena Gomez, Demi Lovato et autres poupées manufacturées par Disney, fait actuellement l’objet d’un buzz aussi démesuré que révélateur d’une fascination malsaine pour les baby stars.

Depuis sa mise en ligne le 10 février dernier, la vidéo (very) low-cost du single Friday, toute en fonds verts et effets Windows Movie Maker, a été vue près de 47 millions de fois. Pour comparaison, Born This Way, le dernier Lady Gaga sorti le lendemain, affiche un peu moins de 25 millions de vues (au 25/3). “Rebecca Black” est un trending topic mondial sur Twitter depuis mi-mars et ne montre aucun signe de fatigue. Pire que cela ? Des gens achètent la chanson ! Friday est en effet 27ème du top iTunes US (au 25 mars, elle était 42ème le 23/3) et devrait logiquement continuer de grimper…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Si Rebecca Black amuse les réseaux sociaux et donne espoir à des milliers de gamines des banlieues plus ou moins aisées de Californie et d’ailleurs, elle n’est que la partie émergée d’un iceberg de glauque pailleté façonné par Ark Music Factory, une société de production artistique basée à Los Angeles et fondée par Patrice Wilson et Clarence Jey.

Patrice Wilson et Clarence Jey entourant l'une de leurs petites protégées

Quand on regarde d’un peu plus près le fonctionnement de la structure, on s’étonne de constater que le duo de producteurs concentre ses efforts musicaux sur une typologie très spécifique de “clients” : les garçons et filles de 13 à 17 ans, qu’ils attirent grâce à des petites annonces publiées sur des sites dédiés (voir ci-dessous).

Pour une somme que l’on imagine conséquente et acquittée par les parents des apprenties starlettes (on parle de 2000$, chiffre que les intéressés n’ont pas encore commenté), Ark Music Factory offre l’enregistrement d’un titre pop des plus génériques, surchargé d’autotune (ce logiciel qui corrige la voix) pour contourner les “légers” problèmes de fausseté de la plupart des clientes. Une vidéo est également proposée dans le package, outil ultime de viralité, ainsi que l’a prouvé la jurisprudence Rebecca Black et ses 47 millions de vues. Il est bon de noter qu’Ark Music Factory dispose d’un site web qui nous ramène directement en 2001, un véritable délice pour les yeux.

Les constantes observées au sein du catalogue d’Ark Music Factory soulèvent quelques questions quant aux intentions de la structure californienne. Avec un catalogue composé majoritairement de très jeunes filles qu’on jurerait sorties d’un concours de mini-miss et dont on imagine sans peine la mère style cougar défraîchie tapie dans un coin du studio d’enregistrement, Patrice Wilson et Clarence Jey semblent vouloir compléter les efforts de l’oncle Walt Disney dans l’hypersexualisation des (très) jeunes adolescentes (voir le cas Miley Cyrus). Sauf que contrairement aux bluettes made in Disney Channel, les deux angelenos ne font pas dans la demi-mesure et la fausse impudeur. On peut douter que des jeunes filles de 15 ans à peine soient aussi au fait des méandres des relations amoureuses que leurs chansons ne le laissent croire (voir Kaya : Can’t Get You Out Of My Mind). Face aux nombreuses critiques essuyées ces derniers jours, Ark Music Factory a décidé de contre-attaquer et promet “toute la vérité” pour le 25 mars, dans une vidéo à paraître sur son site.

La pop-érotisation n’a rien de neuf, notamment aux Etats-Unis, et l’innocent le dispute souvent au glauque. On pense à JonBenet Ramsay, cette mini miss au destin tragique (elle avait été retrouvée violée et assassinée dans le sous-sol de la maison familiale, et le crime n’a jamais été élucidé), qui en son temps avait cristallisé les critiques envers une Amérique victime de son culte de la célébrité à tout prix. Autre style, destin moins tragique, mais pas moins révélateur : Britney Spears, icône pop depuis la fin des années 90, qui chantait à 16 ans “hit me baby one more time” (“chéri démonte moi encore une fois”) en jupette d’écolière. Cela bien sûr, c’était avant sa révolution sexuelle, effectuée vers 20 ans au son de “I’m a slave for you” (“Je suis ton esclave”). Sur le même modèle,son héritière “spirituelle” Miley Cyrus suit à la lettre les préceptes de son aînée, passant sans transition de Hannah Montana au mini-short en cuir.

Les enfants-stars ne datent pas des années 2000. On se rappelle les premiers pas de Liz Taylor ou de Michael Jackson et ses frères, mais là les choses demeuraient très chastes et le public les a vu grandir au rythme des adolescents lambda, plus ou moins. Le problème posé par l’hyper-sexualisation des nouvelles idoles réside dans la rapidité avec laquelle elles font leur révolution sexuelle, qui constitue leur moyen d’émancipation d’une image idéalisée de petite fille modèle. Dans Hannah Montana, Miley Cyrus joue une adolescente bien sous tous rapports, collégienne le jour et star de la chanson la nuit. Mièvre au possible, la série ne ferait pas de mal à une mouche. Sauf que son héroïne grandit, et doit s’assurer un avenir après elle. Il passe, comme pour toutes les starlettes Disney, par une carrière musicale. Celle-ci permet facilement de rendre son image plus sexy. Sauf que le public (de petites filles) qui suit ces stars évolue, lui selon un schéma bien plus lent. La distance qui se crée alors entre le role-model et ses fans se fait rapidement fossé. Le même schéma s’applique à Britney, Demi, Selena et sans doute beaucoup d’autres à venir.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

(Ci dessus : vidéo de la soirée de présentation des artistes Ark Music Factory)

Le dernier exemple en date ? L’arrivée des enfants de Will Smith sur le devant de la scène. Jaden, le fils de 11 ans tout d’abord, qui embrasse une carrière d’acteur en incarnant le célèbre Karate Kid dans le remake du film éponyme. Outre une large campagne de promotion dans les différents médias et un duo avec Justin Bieber sur la BO du film, le jeune adolescent s’est fendu d’une participation plutôt étonnante à une émission chinoise, au cours de laquelle les présentateurs lui ont demandé d’exhiber ses abdominaux, allant même jusqu’à les compter. Rappelons que Jaden est né en 1998.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La cadette Willow est elle aussi sur le devant de la scène, mais musicale cette fois. Son premier single “Whip My Hair”, est l’un des succès de ces derniers mois (#2 des charts anglais et 270 000 ventes, 11ème du Billboard américain). Moins sexuée que son aînée et ses collègues d’Ark Music Factory, il n’en demeure pas moins que Willow n’a plus grand chose d’une enfant lorsqu’elle est sur scène. Sauf peut-être le physique.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Ce qui frappe le plus dans le phénomène entourant Rebecca Black, c’est la rapidité avec laquelle il s’est développé, bien aidé il faut dire par un mauvais buzz initié sur Twitter et soutenu par la vidéo postée sur YouTube. Le basculement du cercle d’initiés des réseaux sociaux au grand public a surpris les premiers autant qu’il excite le second. Alors que nombre de ces modes éphémères du web se cantonnent aux réseaux sociaux sans guère toucher davantage qu’un petit nombre d’habitués, celui-ci risque de faire de l’adolescente une star bien malgré elle.

Allez, pour finir, une parodie plutôt savoureuse, forcément intitulée “Saturday” !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Crédits photos : captures d’écran

Article initialement publié sur OWNI.fr
Retrouvez tous les articles du dossier “érotisation des enfants”:
Des soutiens-gorge “ampliformes” en taille… 8 ans
Little Miss Austin

Justin Bieber, star d’un porno ?

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http://owni.fr/2011/03/25/pop-sexe-teen-stars-cocktail-gagnant/feed/ 2
Tumblr: la génération Skins connectée http://owni.fr/2011/01/16/tumblr-la-generation-skins-connectee/ http://owni.fr/2011/01/16/tumblr-la-generation-skins-connectee/#comments Sun, 16 Jan 2011 13:00:06 +0000 Alexandre Léchenet http://owni.fr/?p=42383 Le premier, c’est Tommy, amateur de paradis artificiels et jeune anglais de 17 ans. Tommy n’est qu’un de ces gars indie. Il aime les tatouages, les filles, et les garçons. Il n’est pas bisexuel. En revanche, il se dit pansexuel. Pas de genres, pas de sexes, juste de l’amour et du sexe. En parlant de sexe, Tommy a mis en ligne le sien début décembre. Pour les anonymes, dit-il. Ils sont d’ailleurs une quinzaine a avoir apprécié cette photo. La grande majorité a moins de 20 ans.

Les autres viennent d’Espagne, des États-Unis ou du Royaume-Uni. Sur tous leurs blogs, la sensualité est palpable. Entre deux photos de hipsters à lunettes torse nudes photos de couples et quelques images d’Harry Potter. D’autres images floues, surmontées de phrases légèrement stupides mais qui peuvent sembler follement romantiques. Et puis des captures de film, qui côtoient des photos de groupes de rock passés ou présents.

Les adolescents qu’on croise sur Tumblr semblent beaucoup plus intéressants que les Skyblogs où des jeunes évoquent leurs vies à coup de photos d’eux ou de soirées et de textes aux couleurs de l’arc-en-ciel. Plutôt que de se raconter à travers leurs vies, ces jeunes utilisateurs nous racontent leurs vies grâce à ce qu’ils aiment sur Internet. Tumblr étant à la génération Skins ce que les Skyblogs sont à la génération nan-nan.

Tumblr est apparu en 2007. Le principe, appelé surf-blog, est on ne peut plus simple:  on y poste rapidement les fruits de ses explorations. Chacun s’abonne aux Tumblr qu’il aime, repostant (on dit rebloguer) les articles favoris ou “likant” les autres. Tumblr se place entre le synchrone d’une timeline qui bouge en temps réel sur tumblr.com et l’asynchrone du blog qui présente toutes les découvertes de manière fixe. En cela il se démarque de Twitter où les archives ne sont pas facilement accessibles. Il se démarque également des autres plate-formes où l’ensemble des articles n’est accessible que grâce aux fils RSS.

Qualifié souvent à tort de Twitter multimédia, Tumblr développe donc des communautés importantes qui sont encouragées par les éléments tels que le reblog, les questions voire les propositions des lecteurs. Chaque auteur dispose des outils pour améliorer le contact avec ses lecteurs. Tumblr, c’est tout à la fois: un blog, un réseau social, une plate-forme de partage de contenu, un formspring, un Twitter.

D’ailleurs, certains ne s’y trompent pas. Non seulement la plate-forme a récemment levé 30 millions de dollars, mais de nombreux méta-Tumblr existent, soit sur la plate-forme même, tel que The Daily What, revue de web sur Tumblr, qui a récemment rejoint le network de I Can Haz ou en France avec la rubrique de Fluctuat, au nom follement original, Tumbl’Heure.

En France toujours, Tumblr a été marqué par le développement des “Bonjour” il y a quelques mois. Là encore, le principe est déconcertant de facilité: des sites publient chaque jour une photo. Cela va des sexys “Bonjour Monsieur” ou “Bonjour Madame”  aux plus politiques comme “Bonjour la Droite” (alimenté par le Parti Socialiste), en passant par “Bonjour Poney” ou “Bonjour les moches“. Sites de collections qui font écho aux “Fuck Yeah” anglophones collectionnant également les photos les plus originales souvent très précises, allant des moustaches ou des filles avec des tâches de rousseurs aux plus délirant”Kim Jong-Il looking at things“.

En conclusion, voici quelques règles à connaître sur Tumblr et une petite application qui propose de chercher des images de Tumblr pour les faire apparaître sur n’importe quel site.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

(image par Intertitres, tumblr “arty”)

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La fabrique des images sur 4chan http://owni.fr/2010/11/22/la-fabrique-des-images-sur-4chan/ http://owni.fr/2010/11/22/la-fabrique-des-images-sur-4chan/#comments Mon, 22 Nov 2010 15:52:21 +0000 Patrick Peccatte http://owni.fr/?p=36620 L’Internet vient de vivre une guerre picrocholine entre le board /b/ de 4chan et la plateforme de micro-blogging tumblr. Plusieurs channers ont en effet reproché à des utilisateurs de tumblr de mettre en ligne sur leurs blogs des images provenant de 4chan sans mention de leur origine. Ils ont alors organisé une attaque par déni de service contre tumblr. Les observateurs du phénomène étaient un peu consternés de découvrir à cette occasion un réflexe d’appropriation de contenus visuels produits collectivement et anonymement.

Les /b/tards de 4chan ont en effet la réputation de créer et de faire circuler de nombreux mèmes visuels. À tel point que le site dans son ensemble est parfois qualifié d’usine à mèmes. Le créateur de 4chan, Moot (Christopher Poole), a lui-même décrit la plateforme en ces termes lors d’une intervention partiellement retranscrite

Si la question de l’accès à la notoriété des créations graphiques de 4chan retient nombre d’observateurs, les processus de création des nouvelles images sont par contre très rarement abordés et jamais réellement expliqués, sauf à utiliser l’expression vague de « création collective ». À lire certains articles, 4chan serait une sorte de chaudron magique produisant sporadiquement des mèmes visuels issus d’une sorte de cerveau collectif dont le fonctionnement est obscur et ne présente guère d’intérêt.

Nous avons montré dans un article précédent que les images qui transitent par 4chan proviennent pour l’essentiel du Web ouvert habituel. Nous écrivions en conclusion de nos observations que le caractère sulfureux de ce site provient en grande partie de l’accumulation d’images en un endroit unique et de leur détournement, malaxage et transformation sur cet espace. Mais pourquoi et comment sont constamment réalisées ces transformations, ces fabrications de nouvelles images sur 4chan ?

The Internet and /b/ (sélection)

Nous décrirons ici les principaux procédés qui conduisent à l’apparition de nouvelles images ou de nouveaux usages iconiques sur 4chan et tenterons d’expliquer les conditions de leur succès sur le site lui-même. Cette activité soutenue mais brouillonne, faite de tâtonnements et d’essais plus ou moins heureux, est en effet préalable dans bien des cas à la constitution (éventuelle) de nouveaux mèmes visuels sur Internet.

Rappelons tout d’abord que les contenus postés sur 4chan sont extrêmement volatiles. Plusieurs centaines de posts arrivent chaque jour sur le board /b/ et un thread (un fil de discussion, nous conserverons le terme anglais dans la suite de ce billet) ne reste visible que très peu de temps, de quelques heures à quelques jours. Il n’est pas possible dans ces conditions de mentionner ici directement des références à des threads ou à des images. Nos observations ont donc été réalisées en grande partie (mais pas seulement) sur le site d’archives partielles 4chanarchive qui effectue une sauvegarde des threads les plus intéressants (les epic threads) sélectionnés par des participants et par un collectif de “curateurs” (plus de précisions ici).

Tous les liens que nous mentionnons par la suite renvoient ainsi à des threads archivés sur 4chanarchive. Ils sont cités ici avec leur titre tel qu’il figure sur ce dernier site, mais ce nom bien sûr ne figurait pas à l’origine sur 4chan.

Il est important de comprendre la structure d’un thread qui commence toujours par une image accompagnée d’une invitation à discuter. Celle-ci est souvent formulée de manière stéréotypée : Discuss, X thread, Tell me X, Rate my X, How is X, It’s X time, X tiem (altération de X time), Your face when X, Sauce, Dump, Hey /b/, /b/rother, What does /b/ X, Any X fags here, etc., où est X est le sujet du thread.

Pour comprendre les modes de fabrication de ces images, on ne doit pas négliger les discussions associées qui éclairent bien souvent les orientations et les choix iconographiques effectués par les participants. Il existe par ailleurs des threads pratiquement dénués d’images. Ce sont essentiellement des discussions, des joutes ou des concours, par exemple de poésie farfelue (Poetry), de chanson (Song Time), de résumés d’œuvres littéraires en quelques mots (Story Summaries), des séries d’histoires sur un thème (Retarded Customer Stories), ou même des propos émouvants dont on ne peut savoir s’il s’agit de fakes (brother Says His Goodbye), etc.

Image issue du thread "Birds!!!"

Même les threads peu imagés sont rythmés par des méta-illustrations qui les ponctuent de temps à autre. Il s’agit d’images figurant l’approbation (brilliant, I like this thread, X approves, etc.), la désapprobation, le rire, l’identification d’une provocation (troll), des avertissements (no spam), etc., ou même des images analogues aux signes phatiques du langage et qui n’ont d’autre but que de « relancer la machine ». Pour certains threads, ces méta-illustrations sont parfois plus originales que les images en contexte.

Un thread archivé comporte en moyenne de 50 à 150 images. Toutes ne sont pas, loin de là, en rapport avec le post l’ayant initié. De même que les réponses textuelles au post initial et les conversations qui s’ensuivent peuvent être en contexte ou totalement hors contexte, il existe de nombreuses “pic unrelated” dans les threads (en plus des spams déjà mentionnés). Tant en ce qui concerne le texte que l’iconographie déployée, le point d’arrivée d’un thread peut être tout à fait différent du sujet de départ. Les changements fréquents de sujet constituent l’une des caractéristiques de /b/ dont la dynamique principale, sur le plan visuel, est bien la recherche des images exploitables, celles qui possèdent un fort potentiel de détournement.

La focalisation sur ce type d’images entraine aussi parfois la manifestation explicite ou implicite d’une volonté de “faire du même à tout prix”, concrétisée par les forced memes.

Après ce bref rappel sur la constitution des threads, examinons quelques mécanismes utilisés pour fabriquer de nouvelles images. Nous en avons recensé une trentaine décrits ci-dessous suivis de quelques exemples:

Collections

Ces nombreux threads sur des sujets très divers constituent d’importants lieux de découvertes d’images « brutes » qui seront ultérieurement transformées dans d’autres threads.
Become Useful, Thor, Stencilfags, BIRDS!!!, Ladies Tied To Other Ladies,  Knock-Off Bootlegged Shit, Mods Are Asleep; Post Tea Cozies, George Bush’s handshakes, Robot Unicorn Attack Comics, Infothread (voir aussi Info Thread No. 9001),  Epic Art Thread , accident gifs (gifs animés d’accidents).

Images curieuses

Atypical Photography, Weird, But Fascinating Pics, Kick Shoop (jouets et gadgets curieux)

Image issu du thread "Weird but fascinating pics"

Wallpapers

Epic Wallpapers, Scenic Route Wallpaper

Collections lol sur un thème

Stormtroopers, Lolporn (gifs animés), Nostalgia Tiem (thème revenant plusieurs fois, cf. Moar Nostalgia), Cornography,  Overthrowing Our Metallic Overlords, Oldfags Inherit the Earth

Ajouts de légendes sur une image proposée

Courage Wolf’s Son (à partir du même Courage Wolf et avec une incitation à produire un nouveau mème), Advice Shepard, GTA: SA Nostalgia

Ajouts de légendes sur des images choisies selon un processus pseudo-aléatoire

Cancer Cure et Cancer Cure Part 2, images réalisées à l’aide du cadre Motivator (autre outil fréquemment utilisé: Memegenerator)

Sujet variable, manifestation du hasard

Epitome of Random,  random band names, most random thread of 2007

Ajouts de légendes et titres sur des dessins détournés

Asshole Jesus (devenu mème sous le nom Jesus is a Jerk), SoniComics (et son mème Sandwich Chef), Tapestry (avec de nombreuses reprises: tapestrybayeaux [sic] tapestry time; devenu une image-macro, voir ici)

Image issue du thread "Asshole Jesus"

Modèles à compléter, stéréotypes

4chan Drinking Card Game (Updated), Spidey/Venom OC,  Division By Zero

Montages selon une règle imposée

Combo Advice

Détourage et collage

Keanu et Sad Keanu,  Let’s Have Some Fun (la partie vide est un modèle), Face replace (remplacement de visages), Kick Shoop, Cool Guy Is Cool, Shearing Teeth, Kobr ’shopped

Ajout d’éléments sur des images

Iz Dat Sum OC? (ajout de lunettes, v. aussi les parties 2 et 3, devenu le mème Holdy), draw rockets on fish, Awesome Animals With Frickin’ Laser Beams Attached To Their Heads

Ajouts d’éléments et déformations

Can You Make Me Look Less Fat?, Shooping Girls

Associations d’images sur un thème

Pee Wee’s Secret Word: “Nigger”, Oceanfags Report In, Photobomb, 4chan Inc.

Créations de dessins et variations d’images

Epic Green Guy (voir aussi Gentlemen, décliné en plusieurs threads et devenu un même), Draw Desktop Icon In 30 Seconds, Draw Like You’re 5, Draw Trollface From MemoryBeer Drinking Owl, Anti-Recycling Signs, Stuck On The Top Of A Stone Pillar, How /b/ digs out of a hole (sur un thème imposé)

Demande de manipulation d’images

Faggots Becoming OP’s Personal Army, World Leaders Converse (demande détournée vers un autre mécanisme créatif jugé plus intéressant)

Micro roman photo en quelques images, montage vertical

Moar Verticals, Verts

Descriptifs excessifs

Too Much Win

Parodies de poèmes ou de chansons

Hitler Rhapsody,  Hitler Sings To /b/, The /b/tles

Illustrations de phrases célèbres

Favorite Movie Quotes

Légendes sur des dessins animés ou des mangas

Blowing This Bubble, DBZ Puns

Cinéma

/b/’s Favorite Movies, anybody seen that movie… (création de titres), Renamed Movies That Sound Horrible

Illustrations sur une phrase récurrente (catchphrase, motto)

Lol, You Can’t, Haters Gonna Hate Variations (catchphrase devenu mème), Classic Innuendoes (et seconde partie), Don’t Know Much, things /b/ hates, Ted2010, I love

Illustrations sur un modèle de phrase

I __ While I __

Rule 34, rule 35 (s’il n’existe pas de version pornographique d’une image, elle doit être créée)

best of rule 34, epic rule 34

Planches-contact (en général pornographique)

Ariel Rebel

Variations sur un mème visuel produit sur /b/

moot Kills EFG (note: EFG = Epic Fail Guy)

Histoire parodique développée le long du thread

Argentina Vs Britain, Poor Germany (histoire de la Seconde Guerre mondiale), Julius Caesar

Jeux sur les numéros de post

Foar Science

Autodérision envers 4chan, thread introspectif, 4chan et le reste d’Internet (v. illustration ci-dessus)

4chan Comparisons, DBZ Puns, 4chan movie casting

À propos de Moot

Moot message, moot fanmail, moot At Datacenter

Cette liste ne prétend évidemment pas être exhaustive. Les procédés recensés ne sont pas non plus uniformément utilisés dans un même thread et plusieurs créations graphiques peuvent être issues de l’application successive de divers mécanismes (et il n’est pas toujours facile d’en reconstituer l’historique).

Les procédés en question ressemblent en fait à des recettes ludiques simples dont l’objectif est de produire à grande vitesse des images exploitables et susceptibles de capter l’attention (cf. le concept de prosécogénie introduit par André Gunthert). Les jeux visuels produits ainsi collectivement ressemblent à ces créations verbales ou textuelles que les anglo-saxons nomment round robin. On pourrait aussi les comparer à des histoires racontées par une assemblée de scouts autour d’un feu de camp où les épisodes sont complétés successivement et très rapidement par chacun des participants.

La dimension temporelle est très importante. Comme nous l’avons déjà signalé, un thread ne dure pas longtemps. Il existe ainsi une logique interne du développement du thread où les intervenants se répondent, s’interpellent, s’injurient, à l’aide de mots et d’images, dans une course contre le temps. Il s’agit de faire reconnaître les nouvelles créations dans un fatras qui disparaît rapidement. Le pari est gagné quand une image apparue dans un thread est reprise dans un autre. En ce sens, les demandes d’archivages qui interviennent lors du développement des meilleurs threads peuvent être vues comme une consécration. L’archivage permet de pérenniser l’éphémère et fonctionne comme l’antichambre du mème visuel. La fabrique des images sur 4chan est essentiellement un processus d’accrétion dans un ensemble de flux volatiles où l’image agglomère de nouveaux usages; elle s’autonomise ainsi en subissant des transformations et des associations inédites.

Article initialement publié sur Culture Visuelle

Illustration de Une CC FlickR par RedHerring1up

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http://owni.fr/2010/11/22/la-fabrique-des-images-sur-4chan/feed/ 9
4chan vs Tumblr: la guerre a bien eu lieu http://owni.fr/2010/11/15/4chan-vs-tumblr-la-guerre-a-bien-eu-lieu/ http://owni.fr/2010/11/15/4chan-vs-tumblr-la-guerre-a-bien-eu-lieu/#comments Mon, 15 Nov 2010 21:14:45 +0000 Sylvain Paley http://owni.fr/?p=35823

Hier 4chan était en Trending Topics sur Twitter. Ce qui n’est, généralement, pas bon signe.


Que s’est-il passé? C’est simple. 4chan (en particulier /b/) accuse les bloggers de Tumblr de leur « voler » leurs mèmes.

C’est ni plus ni moins qu’une crise du lien frais, une crise du « trouveur » : Tumblr reprend des mèmes créés sur 4chan sans les citer. Pas sympa, mais le principe du mème – et de la culture « remix » – c’est qu’ils n’appartiennent justement à personne .

On trouve donc sur 4chan une série de 3 images décrivant les 3 étapes de « l’Opération Overlord », qui est censé être le protocole à suivre par les anonymous afin de gagner la guerre contre Tumblr.

Voici les 3 images :

La première phase consiste à se créer un compte, suivre et se faire suivre par des gens, et balancer du gore, du porn et du CP. La seconde phase appelle au piratage pur et simple de certains « gros » Tumblr. Enfin, la dernière étape, programmée dimanche, consiste en un DDOS sur Tumblr.

Je ne doute en aucun cas de la capacité des Anonymous à réaliser ces exploits, s’étant illustrés dernièrement dans des DDOS en série sur les sites des ayants-droits américain. Mais Tumblr srsly ?


Relativisons un peu maintenant. D’abord, le prétexte de la « guerre » n’est pas valable. Ou alors beaucoup plus profond que ça.

Cela importe peu aux /b/tards si l’on diffuse leur culture, même si ça les embête un poil de devenir mainstream. Les forces de 4chan sont : une communauté très exclusive et élitiste, un langage propre presque vernaculaire, et surtout une philosophie : lurk more. C’est à dire : passe des mois, des années à « lurker », à parcourir les threads, à utiliser le noko, le sage, les fonctionnalités techniques de la board, à comprendre les private jokes, à connaitre les mèmes, l’histoire de /b/, qui sont ou ont été les personnages clefs de /b/ etc.

Bref, pour devenir un Anon (contraction de anonymous), il faut des années. Et ça fait partie du rite initiatique de la communauté : pour être digne de prendre la parole et d’être écouté, il faut connaître le protocole sinon tu es un newfag.

La majorité des personnes qui blog sur Tumblr sont de jeunes internautes, des hipsters, qui comprennent tout à fait l’humour d’un mème, mais qui sont des « nouveaux-nés » sur internet, c’est en tout cas l’impression qu’en a 4chan. Des internautes lambda, qui publient sur une plateforme extrêmement simple d’utilisation, n’ayant aucune connaissance technique et surtout, pour la majorité, n’ayant aucune espèce d’idée de ce qu’est 4chan.


Ignorer 4chan, volontairement ou non, est la pire des insultes pour ces hackers de l’attention que sont les Anonymous. Voilà pourquoi /b/ serait vexé.

En fait, /b/ n’en a juste rien à foutre. Il doit à peine y avoir 30 mecs qui vont lancer le soft LOIC : ce qui n’a rien à voir avec un vrai DDOS étant donné que Tumblr n’est pas un petit blog perso hébergé chez OVH, mais une vraie boîte, avec des gros serveurs. Le vrai problème dans cette histoire, c’est qu’il faut arrêter de croire que 4chan est le même imageboard qu’en 2005.

Le principe de l’anonymat, c’est qu’il disparaît à partir du moment où l’on commence à en parler. Si l’on demande à un vieux de la vieille de 4chan ce qu’il pense de tout ça, il nous dira invariablement que /b/ meurt lentement du cancer qui le ronge, que ce cancer, c’est les puceaux du web, les newfags qui ne respectent pas les règles internes, qui n’ont aucune connaissance informatique, totalement incapable de hacker quoique ce soit. Tiens, on retrouve la description de nos hipsters sur Tumblr:

Si l’on devait résumer la situation on aurait ça :

Une douzaine de newfags essayent de hacker Tumblr, ils se font tailler par les Old Anonymous. De l’autre côté, toute la communauté Tumblr commence à flipper en pensant que « cette chose abstraite qu’est 4chan » s’apprête à les attaquer. Tumblr et Twitter sont assez liés pour que 4chan finisse en Trending Topic, défonçant la 1ère et 2ème “règles de l’Internet” (1. ne pas parler de /b 2. ne PAS parler de /b).

Ce qui est drôle finalement dans cette histoire, c’est que 10 adolescents, en faisant 3 pauvres images sur photoshop et en utilisant la réputation de 4chan, ont réussi à faire ce que les Anonymous font de mieux : troller.

Cinq minutes avant l’heure de l’attaque, Tumblr continuait de flooder /b/ et les newfags n’étaient décidément pas assez nombreux pour faire tomber Tumblr.

Ironie du sort, à 23h10, soit 10 minutes après que 4chan aie tenté le DDOS sur Tumblr, les bloggers ont tellement floodé /b/ que les mods, préventivement, se sont mis à   »404′d » la moitié de la board en supprimant systématiquement les posts.

Autant vous dire que les vannes vont bon train sur Tumblr.

Alors oui, c’est une tempête dans un verre d’eau : « Une sorte de match Geugnon – Plabennec dont seuls les habitants de ces charmantes villes peuvent en avoir quelque chose à foutre. » Comme on me l’a fait remarquer sur Facebook.

N’empêche que cet évènement fera date dans ces communautés, car pour une institution aussi vieille que 4chan, une défaite ne fait que confirmer ce que les Anons prédisent à qui veut l’entendre : Its not Lupus, its cancer. U mad /b/ ?

Peu après Tumblr semblait avoir lancé un DDOS sur la home de 4chan (ils auraient dû viser /b/) qui est down.

Puis les deux sites sont finalement tombés. Égalité.

Des petits malins de Tumblr se sont amusés à modifier les posters « Opération Overlord » et à remplacer l’IP de Tumblr par celle de 4chan. Si bien qu’au lieu de DDOS le site de blogging, les Anons ont ciblé leur propre board. Ironic ?


>> Article initialement publié sur Paperboyz.fr

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