#Le Pacte des Libertés Numériques /-)
PREAMBULE
Internet et les technologies numériques ouvrent un extraordinaire espace de libertés : libertés de s’exprimer, de créer, d’accéder à l’information et aux oeuvres, mais aussi d’innover et d’entreprendre.
Jamais autant d’informations, de connaissances et de créations n’ont été accessibles à un aussi grand nombre d’individus.
Jamais autant de citoyens et de créateurs n’ont été en mesure d’exprimer leurs opinions sur les affaires du monde, mais aussi de rendre leurs productions accessibles et réutilisables et permettre ainsi d’en créer de nouvelles.
D’influents groupes d’intérêt, dans les industries de la culture, des médias et du divertissement, et certaines forces au sein des appareils d’état, supportent mal ces libertés et ces capacités nouvelles. Ils n’ont de cesse, depuis 20 ans, de les brider, de revenir sur elles.
Verrouillage technique des oeuvres et criminalisation de leur contournement, obligations de filtrage des contenus présumés illicites, procédures d’exception sans respect des droits de la défense comme le projet de “riposte graduée”, invention régulière de nouvelles infractions comme le « défaut de sécurisation de sa connexion » ou la responsabilisation des développeurs pour les usages potentiels de leurs logiciels, projets de labellisation des sites, listes blanches sur le WiFi, remise en cause du dispositif de responsabilité aménagée des prestataires techniques, régime spécifique à l’Internet pour les délits de presse…
Il faut cesser de considérer l’Internet comme un espace où règne le non-droit, comme une zone de risques.
Internet est le laboratoire où la jeunesse invente de nouvelles manières de faire.
Le chantier où l’État et des collectivités publiques expérimentent de nouvelles relations avec les citoyens.
L’espace ou s’invente peut-être la société de demain, fondée sur la coopération et l’échange : celle de “l’aprés-crise”.
Les responsables politiques doivent reconnaître le présent et prendre le parti des possibles.
Nous appelons les parlementaires français à signer ce pacte et à défendre les libertés numériques à l’occasion du débat sur l’Hadopi.
Les élections au Parlement Européen se tiendront le 6 et 7 juin. C’est aussi au Parlement Européen que s’élabore le cadre de ces libertés numériques.
Nous voulons inscrire les enjeux du numérique dans la campagne des Européennes : le levier de progrès que représente Internet pour nos sociétés, les risques qui pèsent sur les libertés numériques.
Nous demandons aux candidats, et en premier lieu, aux têtes de liste, de s’engager à défendre les libertés numériques en signant également le Pacte des Libertés numériques.
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Pacte pour les Libertés Numériques
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1/ Préserver les libertés numériques
Soutenir, en commission et en plénière, les résolutions et les amendements qui étendent le champ des libertés numériques, a fortiori, à écarter les dispositions qui les restreignent. Maintenir le régime de responsabilité aménagé des intermédiaires techniques.
2/ Protéger le droit à la vie privée
Renforcer les pouvoirs et les moyens du Groupe article 29 ( ), refuser toute disposition qui aboutirait à transmettre l’exécution pratique de pouvoirs de police ou de caractère judiciaire à des acteurs privés, ou qui induirait des transferts de données personnelles à ces acteurs avant une décision judiciaire au fond. Donner un coup d’arrêt aux projets sécuritaires, qui, sous prétexte de lutte contre le terrorisme ou la pédophilie, ouvrent la voie à la surveillance généralisée.
Pour l’examen de tout projet de directive risquant de conduire à un affaiblissement de l’état actuel de protection des données personnelles au nom d’exigences sécuritaires, demander l’avis conforme des organismes chargés de la protection des données et des associations de défense des droits de l’homme.
3/ Encourager la libre circulation des connaissances scientifiques
Encourager la libre diffusion des résultats de la recherche recevant des financements publics.
Soutenir les publications scientifiques ouvertes.
4/ Préserver et étendre le domaine public des créations de l’esprit
Encourager l’accès libre aux contenus culturels européens, favoriser l’émergence de mécanismes de rémunération équitable pour les créateurs, promouvoir les licences favorables a la réutilisation des oeuvres, encourager la mise à disposition des données publiques, et refuser toute disposition ayant pour effet de restreindre le champ du domaine public.
5/ Donner un coup d’arrêt à l’extension de la propriété intellectuelle et au renforcement de ses mécanismes d’exécution
Réviser et rééquilibrer la directive 2001/29/CE (Directive sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteurs et des droits voisins dans la société de l’information). Ecarter toute nouvelle disposition visant à étendre la durée des droits d’auteur et droits voisins. Exiger la plus grande transparence sur l’élaboration du traité ACTA, actuellement discuté dans la plus grande confidentialité.
6/ Préserver le principe de neutralité de l’internet dans le cadre de régulation européen en matière de télécommunications
S’assurer du respect par les opérateurs de télécommunication du principe d’égalité devant les réseaux, selon lequel aucune donnée ne devrait être traitée de façon discriminatoire, quel que soit son contenu, son destinataire ou son expéditeur.
7/ Promouvoir un projet de directive reconnaissant les droits et libertés numériques des salariés
Défendre le droit au respect à la vie privée dans la sphère de l’entreprise. Favoriser l’émergence du télé-travail pour les salariés qui le souhaitent, le travail à domicile pouvant devenir une composante importante d’une société de développement durable.
Transposer les droits relatifs à la communication à l’ère numérique.
8/ Favoriser l’implication des citoyens dans le débat public et l’évaluation des politiques publiques européennes
Veiller à ce que les dispositions sur la publicité des travaux du Conseil prévues par le Traité de Lisbonne soient mises en oeuvre de façon ambitieuse (“Lorsqu’il délibère et vote sur un projet d’acte législatif, la séance du Conseil est publique”).
Mettre en oeuvre le droit de pétition prévu par le Traité de Lisbonne.
Déployer une approche ambitieuse et exigeante du programme e-participation
Suspendre le financement des programmes de vote électronique pour les élections politiques : les soumettre à une évaluation des avantages/risques du vote électronique pour la démocratie.
9/ Promouvoir au niveau européen et national une approche exigeante de l’interopérabilité, qui fasse de celle-ci un droit effectif
10/ Soutenir les initiatives sociétales visant les mêmes objectifs.
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Les libertés numériques menacées en France :
- Le projet de loi “Création et Internet” met en place un dispositif de surveillance des usages numériques et d’identification des auteurs des téléchargements par des sociétés privées, et une procédure d’exception qui permettra de résilier les abonnements Internet en contournant l’autorité judiciaire, sans respect des droits de la défense.
- Le Ministère de l’Interieur envisage d’imposer aux fournisseurs d’accés une obligation de filtrage pour les contenus pédopornographiques. Cette obligation pourra ensuite être étendu à d’autres types de contenus présumés illicites, sans que l’ordre judiciaire n’intervienne dans l’établissement des listes de filtrage.
- Le gouvernement travaille à la mise en place de procédures de labellisation pour les sites : associés aux logiciels de contrôle, ces labels orienteront les internautes vers les sites qu’une autorité administrative aura sélectionnée pour eux, au détriment de la liberté d’expression, de la découverte de nouveaux talents et de la prise en compte de l’infinie richesse qu’offre le Web, en France ou à l’étranger.
- Aprés des années de débats, l’Union européenne avait instauré un régime de responsabilité aménagée des prestataires techniques. Protecteur des libertés, ce régime est périodiquement remis en cause. Les tentatives de responsabilisation des développeurs de logiciels (comme le prévoit l’amendement dit Vivendi à la DADVSI), ou de filtrage pro-actif imposé aux fournisseurs d’accès ou aux hébergeurs, participent de la même démarche.
- Il est question périodiquement d’étendre les compétences du CSA à l’Internet ou encore de créer un régime spécifique à l’Internet pour les actes de diffamation.